5 mars 2021
Publié en octobre 2015
(Ontario seulement)
Survol
En 2015, l’Ontario a récemment institué un processus obligatoire de déclaration des biens de succession : un fiduciaire testamentaire qui fait une demande de certificat de nomination à titre de fiduciaire d’une succession (« certificat successoral ») doit produire une Déclaration de renseignements sur la succession (« DRS ») auprès du ministère des Finances dans les 90 jours suivant la délivrance du certificat successoral.
L’objet de la DRS est d’assurer que tous les frais d’administration (« frais d’homologation ») exigibles sont payés en établissant la valeur des biens de la succession. Auparavant, les fiduciaires successoraux n’étaient pas tenus de dresser une liste officielle de la valeur des biens de la succession. Il suffisait de produire un affidavit confirmant la valeur globale des biens immobiliers, d’une part, et des autres biens, d’autre part. Puisque la DRS fera l’objet d’une vérification par le ministère, les fiduciaires successoraux devront être en mesure de justifier leurs évaluations, et cette nouvelle obligation pourrait entraîner des dépenses additionnelles. Par exemple, l’évaluation d’une résidence principale n’est pas requise aux fins de l’impôt, mais elle pourrait l’être aux fins de la DRS.
Une fois établie, la DRS peut être remise en mains propres, mise à la poste ou télécopiée au ministère. Il est toutefois recommandé de choisir un mode de livraison qui permet d’obtenir un accusé de réception, puisque le fiduciaire qui est réputé ne pas avoir produit la déclaration exigée est passible d’amendes, de pénalités et même d’une peine d’emprisonnement. Toutes les DRS peuvent faire l’objet d’une vérification et d’une nouvelle cotisation pendant quatre ans suivant leur date de production. De surcroît, une déclaration produite après la date d’échéance peut faire l’objet d’une nouvelle cotisation d’impôt en tout temps, même passé le délai de quatre ans.
Le fiduciaire successoral qui ne se conforme pas à ses obligations de déclaration, et tout fiduciaire, conseiller, évaluateur ou conseiller juridique qui fait une fausse déclaration ou qui contribue à une fausse déclaration se rend coupable d’une infraction et est passible d’une amende d’au moins 1 000 $ et jusqu’à deux fois le montant de l’impôt à payer par la succession, ou d’une peine d’emprisonnement de deux ans, ou les deux.
Le site Web du ministère contient deux outils d’aide à la production de la DRS : une DRS en format PDF pouvant être rempli et un Guide de Déclaration de renseignements sur la succession.
Rédaction du formulaire
La majorité des renseignements devant être consignés dans la DRS, comme le nom de la succession et les noms des fiduciaires, sont faciles à obtenir. Il existe toutefois une complication liée à la valeur de la succession. En effet, la DRS doit divulguer la valeur de tous les biens du défunt, moins tout grèvement sur les biens immobiliers. Les biens faisant partie d’un testament non soumis pour homologation (par exemple, un testament secondaire) n’ont cependant pas à être inclus dans la valeur de la succession.
Les biens dont une personne autre que le défunt détient le titre de propriété, mais dont le défunt avait la propriété effective sont également exclus de l’évaluation. Le guide mentionne spécifiquement les comptes bancaires conjoints dont la succession du défunt demeure titulaire en raison, semble-t-il, de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Pecore c. Pecore (2007) 1 R.C.S. 795, dans le cadre de laquelle les biens détenus conjointement par un parent et un enfant adulte ont été réputés être la propriété effective du parent. Le guide de DRS ne mentionne pas spécifiquement les immobilisations et les placements détenus de cette manière, mais divers tribunaux ont estimé par la suite que Pecore s’y appliquait. Puisque le ministère semble appliquer la décision rendue dans Pecore, tout fiduciaire successoral qui veut exclure ces actifs de la DRS devra être en mesure de démontrer de façon convaincante que la présomption en question ne s’applique pas. Une autre stratégie consiste à établir plusieurs testaments afin que les biens détenus conjointement puissent être transférés aux termes d’un testament secondaire.
La Loi ne permettant de déduire que les grèvements de biens immobiliers, les conseillers dont les clients sont propriétaires de biens immobiliers avec grèvements non enregistrés devraient envisager d’enregistrer à nouveau le grèvement.
Les polices d’assurance vie soulèvent, elles aussi, certaines questions. Normalement, le produit d’une police d’assurance vie payable à un bénéficiaire désigné n’a pas à être inclus dans une demande d’homologation. Toutefois, il arrive fréquemment que la même personne soit désignée fiduciaire du produit de l’assurance vie et fiduciaire successoral, et que le produit de l’assurance doive être distribué de la manière spécifiée dans le testament. Les tribunaux estiment majoritairement que les produits d’assurance vie ne font pas partie de la succession, mais dans Re: Carlisle Estate (2007, Saskatchewan QB), la cour a décidé qu’ils doivent être inclus dans la déclaration des biens successoraux, du moins en Saskatchewan.
Des formulaires additionnels pourraient être exigés
Il arrive fréquemment qu’une demande d’homologation soit présentée sans que la valeur totale des biens de la succession soit connue, et que le fiduciaire s’engage à fournir cette valeur dans un délai de six mois. Dans un tel cas, il peut arriver que deux DRS doivent être produites, une première dans le délai de 90 jours imparti par la loi, et l’autre une fois les biens successoraux évalués. Le fiduciaire doit aussi aviser le tribunal et le ministère de toute découverte subséquente de biens, et verser les frais d’homologation additionnels. Une DRS amendée doit alors être produite dans les 30 jours de la présentation de l’avis au tribunal.
Avis de cotisation du ministère des Finances
Les DRS peuvent faire l’objet d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation d’impôt jusqu’à quatre années suivant le versement des frais d’homologation, et si la DRS a été produite passé le délai prescrit, cette limite de quatre années ne s’applique pas. Toutefois, le ministère ne peut pas examiner tous les formulaires qui lui sont présentés. Par conséquent, et à l’inverse des déclarations de revenus, il se peut que la succession ne reçoive pas d’avis de cotisation. Un avis de cotisation n’est produit que si le ministère estime les frais d’homologation inexacts ou incomplets. Il est possible de porter une cotisation en appel en Cour supérieure.
Les frais d’homologation sont payables par le fiduciaire successoral à ce titre, et non à titre personnel. Une question de responsabilité peut toutefois être soulevée si le fiduciaire reçoit un avis de cotisation après avoir distribué intégralement les biens de la succession. Le ministère ayant indiqué qu’il était disposé à remettre aux fiduciaires successoraux, avant que ceux-ci procèdent à la distribution, une lettre d’accord confirmant que tout est en règle, il est conseillé d’en obtenir une si la valeur de la succession est élevée.
Éléments dont il est conseillé de discuter
Voici quelques points dont il est conseillé de discuter avec vos clients en ce qui a trait à la planification successorale :
• Il pourrait être avantageux d’envisager une fiducie en faveur de soi-même, ainsi que d’autres stratégies, par exemple l’établissement de testaments secondaires, permettant d’éviter les frais d’homologation, puisque les déterminations du ministère sont incertaines.
• Les conseillers juridiques spécialisés en droit des successions ont conçu, pour les nouveaux testaments, des clauses relatives aux précédents permettant d’éviter d’engager la responsabilité des fiduciaires successoraux. Il pourrait être avantageux d’inclure une telle clause dans le testament d’un client.
• Le traitement d’une demande de certificat successoral exigera du temps et retardera le règlement de la succession, puisque des évaluations devront être effectuées. Il est également probable qu’il en découlera des frais accrus liés à l’établissement des évaluations.
• Le fiduciaire successoral devrait envisager de demander au ministère une lettre d’accord avant de procéder à la distribution intégrale des biens de la succession, si la valeur de celle-ci est élevée.
• Enfin, le fiduciaire successoral doit être conscient d’un risque accru de litige découlant de la cotisation établie par le ministère, et en tenir compte avant d’accepter d’agir à titre de fiduciaire.
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