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2 juin 2020

M’aimeras-tu toujours demain?

Les conséquences fiscales et financières du mariage et du divorce pour les couples au Québec.

 

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j’aime les vieilles chansons. Cet air, Will You Still Love Me Tomorrow, tourne en boucle dans ma tête, depuis le moment où j’ai été invitée à faire une présentation à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Cette chanson me parle beaucoup, surtout en cette ère de relations éphémères.

 

Que le couple se rompt en panne d’amour, comme dans la chanson, ou à la suite du confinement forcé durant la pandémie de la Covid-19, peu importe la raison de la rupture, j’aimerais partager avec vous quelques conseils susceptibles d’être utiles en cas de divorce ou de séparation.

 

La décision de se divorcer ou de se séparer a un grand impact sur nos finances. La planification fiscale joue un rôle essentiel dans la gestion de patrimoine de tous les canadiens. Si nous payons moins d’impôts, notre pouvoir d’achat augmente. Comme nous le savons tous, la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) peut être compliquée et difficile à comprendre pour la plupart des avocats, des comptables et des fiscalistes, sans parler du canadien moyen, et peut devenir encore plus compliquée si les règles du droit de la famille sont en cause. La décision de se marier, de se divorcer ou de vivre en union de fait, par exemple, peut avoir un impact énorme sur la planification fiscale et la gestion de patrimoine. Dans la société actuelle, l’âge moyen des hommes et des femmes lorsqu’ils se marient a augmenté progressivement. Cela indique probablement que les individus accordent plus d’importance à leur carrière et ont eu la possibilité d’acquérir des actifs de valeur avant leur mariage. Pour certains, la protection de ces actifs acquis peut être très importante, c’est pourquoi ils cherchent à obtenir des conseils qui tiennent compte des règles du droit de la famille et de l’impôt sur le revenu. La définition de la famille ayant évolué au fil du temps, il est important de considérer l’effet des règles du droit de la famille en matière de fiscalité et les façons dont les individus peuvent protéger leurs intérêts à n’importe quelle étape du cycle de vie de leur couple.

 

Je voudrais d’abord vous parler de l’union de fait, qui est formée par deux personnes non mariées vivant ensemble dans une relation de « mariage ». Le fait qu’un couple soit ou non considéré comme vivant en union de fait dépend des lois qui s’appliquent à sa situation. Par exemple, pour être considérée comme formant un couple d’union de fait avec son conjoint ou sa conjointe, en vertu de la Loi sur le Régime de pensions du Canada, une personne doit vivre avec son partenaire pendant un an. Cependant, au Québec, aux fins du Régime de rentes du Québec, la personne qualifiée de conjointe ou conjoint de fait peut être reconnue comme conjointe ou conjoint survivant si cette personne a fait vie commune avec la personne décédée durant les trois années précédant le décès.

 

Si un enfant est né ou devait naître de leur union, si le couple a adopté un enfant ou si l’un des conjoints a adopté un enfant de l’autre, une seule année de vie commune suffit.

 

Pour les décès survenus à partir du 4 avril 1985, les conjoints de fait de même sexe peuvent également faire une demande de rente de conjoint survivant.

 

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), un conjoint de fait est une personne avec laquelle vous n’êtes pas légalement marié, vous avez une relation conjugale et au moins une des situations suivantes s’applique:

 

  • il ou elle vit avec vous et a une relation conjugale avec vous depuis au moins douze mois consécutifs;
  • il ou elle est le parent de votre enfant à sa naissance ou au moment de l’adoption;

 

ou

 

  • il ou elle a la garde et le contrôle de votre enfant et votre enfant est entièrement à la charge de cette personne.

 

Il est aussi primordial de mentionner encore une fois qu’au Québec les conjoints de fait ne bénéficient pas de certaines protections réservées aux couples mariés, notamment en cas de séparation ou de décès. Le cas échéant, le conjoint de fait :

 

  • ne bénéficie pas de la protection de la résidence familiale si un seul des conjoints est propriétaire ou locataire de la résidence;
  • n’a pas droit au partage des biens en cas de séparation; n’a pas droit à une « prestation compensatoire » pour le travail réalisé pendant l’union de fait au profit de son conjoint;
  • n’a pas le droit de demander une pension alimentaire en cas de séparaton et;
  • n’a pas le droit de toucher un héritage, en cas du décès de son conjoint, si ce dernier n’a pas fait de testament ou s’il ne l’a pas désigné comme héritier dans son testament.

 

En cas de rupture, si vous êtes dans une union de fait, votre seule protection est de conclure un contrat de vie commune avant que votre relation tourne au vinaigre.

 

Les conjoints de fait qui se séparent peuvent demander le partage de leurs revenus de travail inscrits au Régime de rentes du Québec pendant la période de leur union. Ce partage n’est pas automatique, contrairement aux conjoints mariés ou unis civilement. Les conjoints doivent tous les deux en faire la demande. Rappelons encore que pour être reconnus en tant que conjoints de fait, aux fins du Régime de rentes du Québec, il faut avoir vécu au moins trois ans ensemble si le couple n’a pas eu d’enfant ensemble.

 

À noter que si certaines conditions sont remplies, dans presque toutes les provinces canadiennes, à l’exception du Québec, les conjoints de fait peuvent demander une pension alimentaire.

 

Le régime matrimonial par défaut au Québec est la société d’acquêts si vous êtes mariés après le 1er juillet 1970 et vous n’avez pas de contrat de mariage. Il est important de souligner que, peu importe votre régime matrimonial, la loi dicte que le patrimoine familial d’un mariage est constitué de certains biens sans égard à celui des deux époux qui détient un droit de propriété sur ces biens. Donc la loi du patrimoine familial est automatique et applicable à tous les couples mariés ou unis civilement. Le patrimoine familial est constitué des biens suivants : les résidences de la famille, les meubles qui les garnissent, les véhicules automobiles utilisés pour le déplacement de la famille et le droit accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite.

 

Tout héritage et tout don sont exclus du patrimoine familial, notamment tout cadeau ou tout legs qu’un des époux a reçu avant ou pendant le mariage. Pour cette raison, il est important de ne pas se servir de biens hérités par l’un des époux pour accroître le patrimoine familial. Autrement dit, l’argent hérité ne devrait pas servir à acheter la maison familiale.

 

Nous allons maintenant examiner certaines règles fiscales concernant les couples séparés ou divorcés :

 

Division des biens:

 

1 Roulement entre les conjoints : La Loi de l’Impôt sur le Revenu nous permet de faire un roulement entre les conjoints sans incidence fiscale immédiate sous réserve de certaines conditions. Il est important de souligner que lorsque le transfert de biens a lieu à un moment où les parties ne sont plus des époux ou des conjoints de fait, il doit être effectué conformément à l’ordonnance ou l’accord.

2 Exemption pour résidence principale : Les conjoints ont deux choix pour faire le transfert, soit le roulement entre conjoints au coût de la propriété, soit un transfert imposable à la juste valeur marchande avec l’utilisation de l’exemption pour résidence principale.

 

Dans l’arrêt Balanko c. La Reine, le 8 avril 2013, la succession de la défunte, madame Balanko interjette appel à l’encontre d’une cotisation d’impôt sur le revenu établie pour l’année 2003, afin d’être autorisée à désigner comme résidence principale l’ancien bien de madame Balanko à Whistler, en Colombie-Britannique. Madame Balanko et son époux Dr. Balanko se sont séparés en 1983, aux termes d’un accord écrit de séparation. Madame Balanko transfère la propriété à Whistler au Dr Balanko moyennant la somme d’un dollar en 1991. En 2003, Dr Balanko vend la propriété. Le juge a constaté qu’un gain en capital de 243 009 $ a été réalisé lors de la disposition du bien, et ce gain a été attribué à madame Balanko. Bref la leçon de cette histoire est que la succession de madame Balanko n’était pas en mesure de fournir un accord écrit de séparation de biens. En rendant sa décision, le juge Rip a déclaré que « l’absence d’un accord écrit de séparation requis par la loi est une omission plus grave que le manque de reçus pour prouver une dépense. » La décision Balanko sert effectivement à rappeler les exigences strictes de l’article 54 de la LIR. et l’absence de pouvoir discrétionnaire de la part de la Cour d’ignorer les situations dans lesquelles un contribuable n’a pas satisfait à une ou plusieurs des exigences législatives claires de la disposition.

 

3 Transfert des régimes de retraite enregistrés (REER, FERR, RPAC, RPD) : Dans tous les cas, le rentier doit avoir droit à ces montants selon une ordonnance, un jugement d’un tribunal ou un accord écrit de séparation visant à partager des biens entre le rentier et son époux, ex-époux, conjoint de fait ou ancien conjoint de fait en règlement des droits découlant de la rupture de leur union. Ils doivent vivre séparément au moment du transfert.

 

Quand une entente de séparation est conclue, il est nécessaire de prévoir le coût d’impôt futur pour le cessionnaire.

 

4 Transfert d’une police d’assurance-vie ou d’une rente : La LIR prévoit des dispositions d’allègement lorsqu’une police d’assurance-vie est transférée dans le cadre du règlement des droits suite à la rupture d’un mariage ou d’une union de fait. Pour que le transfert de la police d’assurance-vie soit admissible à un transfert au coût, les conditions suivantes doivent être remplies : Le cessionnaire doit être un époux, conjoint de fait ou ancien époux ou conjoint de fait et lorsqu’il s’agit d’un ancien époux ou conjoint de fait, le transfert doit être effectué en règlement de droits suite à la rupture du mariage ou de l’union de fait; et le cessionnaire et le cédant doivent être résidents du Canada aux fins de l’impôt sur le revenu au moment du transfert.

 

5 Règles d’attribution : Même si les dispositions de roulement s’appliquent à un transfert, les biens en immobilisation transférés entre les conjoints peuvent encore être assujettis aux règles des articles concernant l’attribution du revenu et des gains en capital à l’auteur du transfert. Notez que les règles d’attribution cessent de s’appliquer après le divorce ou après la séparation de corps.

 

Dans le cas où les conjoints sont les actionnaires d’une société privée, la division des biens de la société devient très compliquée. Si l’un des époux est le seul actionnaire du couple, une telle division n’est pas nécessaire au Québec, le voile corporatif n’a pas besoin d’être enlevé.

 

Les règles et les choix relatifs à la division des biens d’une société privée par actions sont complexes et nécessitent un travail pointu et ardu. Voici d’autres façons det diviser les actions et les biens d’une société privée :

 

  • Transfert des actions : (prêter une attention particulière aux règles anti-évitement)
  • Rachat des actions
  • Réorganisation entraînant une division

 

La division des biens matrimoniaux, de routine ou complexe, peut être complétée de différentes façons. Un fiscaliste devrait examiner attentivement les implications de diverses méthodes en consultation avec le client et son avocat en droit de la famille. Pour maximiser l’efficacité fiscale globale, une approche collaborative entre toutes les parties intéressées sera souvent nécessaire.

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