16 février 2024
Les exécuteurs testamentaires et les autres proches de la personne décédée doivent faire preuve de prudence au moment de payer des dépenses au nom de la succession
Les gens désignent généralement leurs proches, tels que leur conjoint et/ou leurs enfants, comme exécuteurs testamentaires. Ces personnes sont généralement les plus à même de respecter les dernières volontés de la personne décédée et d’administrer la succession en conséquence. Toutefois, les proches désignés comme exécuteurs testamentaires doivent faire preuve de prudence au moment de payer des dépenses au nom de la succession, car cela pourrait entacher le statut de succession assujettie à l’imposition à taux progressifs (SAIP) de la succession.
Les SAIP sont devenues un outil de planification successorale important pour de nombreux Canadiens et elles offrent de nombreux avantages fiscaux après le décès, le principal étant que la succession est soumise à des taux d’imposition progressifs. La plupart des autres fiducies sont, quant à elles, imposées au taux marginal d’imposition le plus élevé pour chaque dollar gagné. Parmi les autres avantages, citons la flexibilité quant à la demande de crédits d’impôt pour don, la possibilité de choisir une fin d’année non civile et la flexibilité quant à la planification fiscale post-mortem pour les sociétés privées.
Pour bénéficier de ces avantages, la succession doit remplir plusieurs conditions, dont celle d’être une fiducie testamentaire au sens du paragraphe 108(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). En vertu de l’alinéa (b) de la définition d’une fiducie testamentaire, la succession perdra son statut de fiducie testamentaire si les biens ont été versés à la fiducie autrement que par une personne à son décès ou après son décès et en conséquence de son décès. L’alinéa (d) de la définition interdit à la succession de contracter une dette ou toute autre obligation envers un bénéficiaire, ou garantie par celui-ci, ou toute autre personne ou société de personnes avec laquelle le bénéficiaire de la fiducie a un lien de dépendance (la « partie spécifiée »), à quelques exceptions près.
Ces deux restrictions peuvent faire perdre aux successions leur statut de fiducie testamentaire et, par conséquent, leur statut de SAIP. Comment cela peut-il se produire? La plupart des exécuteurs testamentaires qui sont également bénéficiaires de la succession (p. ex., le conjoint survivant, les enfants, les petits-enfants, etc.) peuvent estimer qu’il est plus facile de payer de leur poche les frais de succession telles que les frais d’obsèques, les frais d’entretien de la maison du défunt, les frais de comptabilité, et autres. Il se peut qu’ils choisissent de procéder ainsi pour des raisons de simplicité, car il est plus facile de payer une dépense avec sa carte de crédit que de devoir faire un chèque à partir du compte bancaire de la succession. La plupart des exécuteurs qui sont bénéficiaires ne se préoccupent de la manière dont les dépenses sont payées : soit ils supportent les coûts personnellement et immédiatement, soit ils portent les coûts à la succession, ce qui a pour effet de réduire leur héritage. Dans d’autres cas, les successions peuvent comporter des actifs non liquides, tels qu’un chalet familial que le défunt souhaite transmettre à ses enfants. Cependant, comme il n’y a pas d’autres actifs liquides dans la succession, les bénéficiaires pourraient avoir à payer les impôts résultant du décès afin de conserver le bien au sein de la famille.
Comme indiqué dans les limitations, les versements à la succession ne peuvent être effectués par une personne qu’à son décès ou après son décès et en conséquence de son décès. Le terme « versement » n’est pas défini dans la LIR, et, à ce titre, nous nous appuyons sur le précédent établi dans le cadre l’affaire Greenberg Estate c. R1, qui se réfère au sens ordinaire du terme « versement ». Par « versement », on entend un paiement volontaire effectué dans la succession, sans contrepartie, et qui augmente le capital de la succession. La croyance de certains exécuteurs testamentaires, qui sont également des bénéficiaires, voulant qu’il n’y ait pas de différence entre le paiement des dépenses effectué par eux personnellement et le paiement des dépenses effectué par la succession, ayant pour effet de réduire leur héritage, pourrait entacher la fiducie testamentaire2. Un versement peut être fait même si aucun paiement direct n’est effectué à la succession. Le paiement de dépenses au nom de la succession est considéré comme un don à la succession, car il libère la succession de toute responsabilité, augmentant ainsi son capital.
Que se passe-t-il si une personne décide de payer une dépense pour le compte de la succession et de traiter le paiement comme un prêt? Comme indiqué plus haut, les prêts accordés à la succession par une partie spécifiée peuvent également entacher le statut de fiducie testamentaire. Toutefois, la LIR prévoit des exceptions lorsque le prêt a été consenti dans les 12 premiers mois suivant le décès de la personne et qu’il a été remboursé par la succession dans les 12 mois suivant le paiement. Souvent, lorsqu’une partie spécifiée prête de l’argent à la succession, les personnes ne demandent pas le remboursement auprès de la succession jusqu’à ce que celle ci soit prête à effectuer des distributions. Toutefois, compte tenu du délai prévu par la législation, les parties spécifiées doivent être attentives au calendrier des dépenses de la succession, et le remboursement de la succession doit être demandé au plus tard 12 mois après que le paiement a été effectué. Si les paiements effectués au nom de la succession sont considérés comme un prêt, celui-ci doit être documenté. Dans l’affaire Greenberg Estate, l’appelant a tenté de faire valoir que le paiement était un prêt; cependant, en l’absence d’un accord prévoyant des conditions de remboursement spécifiques, les tribunaux ont rejeté cet argument.
De nombreux frais liés à la succession peuvent être dus ou payés bien avant la fin du règlement de la succession. Il convient d’être prudent en ce qui concerne les paiements effectués au nom de la succession, car ils risquent d’entacher le statut de SAIP de la succession avant la mise en œuvre d’une planification fiscale nécessitant le statut de SAIP pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux et des occasions de planification. Si des dépenses sont payées au nom de la succession dans les 12 premiers mois suivant le décès, il faut veiller à les documenter comme étant un prêt et à en demander le remboursement immédiatement. Bien que la LIR autorise le remboursement au plus tard 12 mois après le paiement, un remboursement immédiat permet de s’assurer que la « date limite » ne soit pas dépassée, ce qui aurait pour conséquence d’entacher la succession. Il est important que les conseillers financiers, comptables et juridiques restent en contact avec les clients de la succession afin de surveiller attentivement quand et comment les dépenses sont payées pour s’assurer que le statut de SAIP soit préservé.
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Catherine est une comptable fiscale qui détient son titre de CPA, CA chez CPA Ontario. Elle est également membre de la Society of Trust and Estate Practitioners (STEP) et de la Fondation canadienne de fiscalité (FCF). Avant de se joindre à GMA CI, Catherine a travaillé dans l’un des principaux cabinets comptables où elle a consacré ses services aux familles fortunées, y compris les actionnaires de sociétés privées et publiques. Elle se spécialise dans la planification fiscale pour les personnes, les sociétés, et les fiducies, ainsi que dans la planification post-mortem et successorale.
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