13 février 2025
Planification fiscale et successorale pour vos deux conjoints
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Dans cet article, j’ai abordé l’importance de déclarer correctement l’état matrimonial dans les déclarations de revenus personnelles. L’Agence du revenu du Canada (ARC) accorde une attention particulière à l’état matrimonial, car certains avantages (y compris les crédits de TPS/TVH, les allocations canadiennes pour enfants, les déductions pour frais de garde d’enfants et les demandes pour personnes à charge admissibles) sont calculés en fonction de ce statut. Cependant, l’état matrimonial ne se limite pas à cocher une case sur une déclaration de revenus; il peut jouer un rôle dans des scénarios plus complexes de planification fiscale et successorale. Tenez compte de ce qui suit:
Kristy s’est séparée de son époux, Ken, il y a huit ans. Ils sont restés mariés pendant 10 ans avant leur séparation, mais ils ne sont pas encore divorcés. La séparation s’est faite à l’amiable; en fait, ils sont restés de bons amis et partagent la garde de leur fille de 15 ans, Nicole.
Depuis cinq ans, Kristy vit en union de fait avec son conjoint, Fred.
En réfléchissant à sa planification successorale, Kristy souhaite comprendre ses options pour le transfert de ses biens à son décès. Elle a entendu parler des transferts à imposition différée (c.-à-d. les roulements) au profit des conjoints, mais elle aimerait savoir comment cela pourrait s’appliquer à sa situation, compte tenu de son statut de conjointe séparée et de son union de fait. Plus précisément, Kristy aimerait connaître les points suivants:
- Les roulements au profit du conjoint sont-ils disponibles à la fois pour les actifs enregistrés et non enregistrés?
- Qui est considéré comme son conjoint pour l’application de ces règles? Son époux séparé, Ken, ou son conjoint de fait, Fred?
Les actifs de Kristy, tous détenus exclusivement, sont les suivants:
Actif | Prix de base rajusté (PBR) | Juste valeur marchande (JVM) | Gains en capital non réalisés | Bénéficiaire proposé | Remarques |
---|---|---|---|---|---|
Résidence principale | 300 000 $ | 700 000 $ | 400 000 $ | Fred | Elle souhaite que cet actif soutienne Fred de son vivant, puis qu’il soit transmis à Nicole au décès de Fred. |
Propriété de vacances1 | 300 000 $ | 500 000 $ | 200 000 $ | Ken | Elle souhaite que cet actif soutienne Ken de son vivant, puis qu’il soit transmis à Nicole au décès de Ken. |
Fonds commun de placement non enregistré et compte bancaire | 150 000 $ | 200 000 $ | 50 000 $ | Fred | À transférer à Fred sans restrictions |
REER | S.O.2 | 400 000 $ | S.O. | Indécis |
*À titre indicatif seulement.
Les règles fiscales canadiennes précisent que lorsqu’un bien en capital non enregistré (p. ex., des biens fonciers, actions, obligations, fonds communs de placement, etc.) est transféré au décès à l’époux ou conjoint de fait résidant au Canada (ou à une fiducie canadienne au bénéfice d’un époux ou conjoint de fait), un roulement à imposition différée est possible. Ce transfert permet de différer l’impôt jusqu’à la vente future du bien ou au décès de l’époux ou du conjoint de fait, selon la première éventualité3. En ce qui concerne les actifs enregistrés, un roulement à imposition différée est possible pour les REER et les FERR lorsque l’époux, le conjoint de fait ou un enfant ou petit-enfant financièrement à charge (ou un enfant ou petit-enfant porteur de handicap) a droit aux actifs du REER ou du FERR et les transfère dans un régime enregistré admissible à leur bénéfice. Pour les CELI, la valeur du compte au moment du décès du titulaire est exonérée d’impôt, quel que soit le bénéficiaire.
Cela mène à la question suivante: qui est considéré comme époux ou conjoint de fait aux fins de ces règles? Aux fins de l’impôt, le terme « époux » désigne la personne avec laquelle vous êtes légalement marié. Un « conjoint de fait » désigne une personne avec laquelle vous n’êtes pas marié, mais avec laquelle vous vivez dans une relation conjugale depuis au moins un an (ou si cette personne est le parent de votre enfant).
Il est intéressant de noter, comme l’a confirmé l’interprétation technique 2014-0523091C6 de l’ARC, qu’il est possible d’avoir à la fois un époux et un conjoint de fait. Par exemple, lorsqu’un individu est légalement séparé mais non divorcé et a un conjoint de fait au moment de son décès, un roulement à imposition différée sur les biens en capital non enregistrés est possible au profit de l’époux séparé et du conjoint de fait. De même, pour les REER et les FERR, l’interprétation technique 2006-0189141E5 confirme que les transferts à imposition différée vers des REER, FERR et rentes au profit de l’époux séparé et du conjoint de fait sont autorisés lorsque les conditions des règles de roulement sont respectées.
En appliquant ces concepts à la situation de Kristy, et en supposant qu’elle décède avant Ken et Fred, et que les règles actuelles s’appliquent au moment de son décès, Kristy serait considérée comme ayant deux conjoints (un époux séparé et un conjoint de fait) aux fins des règles de roulement. Pour réduire l’impôt payable l’année de son décès, la résidence principale de Kristy pourrait être transférée directement à Fred ou, conformément à ses volontés testamentaires spécifiques pour cette propriété, à une fiducie au profit de Fred, sans imposition. Par la suite, lors du transfert de la propriété à Nicole au décès de Fred, l’impôt serait probablement évité grâce à l’exemption pour résidence principale. Le fonds commun de placement non enregistré de Kristy pourrait également être transféré à Fred sur une base de report d’impôt, de même que son compte bancaire. Étant donné que ces actifs sont non enregistrés et détenus exclusivement, des frais d’administration successorale (c.-à-d., des frais d’homologation) pourraient s’appliquer, là où c’est pertinent.
De même, les règles fiscales permettent à Kristy de transférer sa propriété de vacances à Ken, soit directement, soit par le biais d’une fiducie au profit de ce dernier, sans imposition. L’impôt serait reporté jusqu’à la vente future de la propriété ou au décès de Ken, lors du transfert de la propriété à Nicole.
Kristy est indécise quant à la personne à qui elle souhaite léguer son REER à son décès. Elle peut être rassurée de savoir que Ken et Fred seraient tous deux admissibles à recevoir les produits du REER sur une base de report d’impôt, à condition qu’ils transfèrent les actifs à leur propre REER, FERR, régime de pension agréé collectif (RPAC) ou rente. Alternativement, elle peut léguer le REER à sa fille mineure, Nicole. Toutefois, le roulement ne serait pas disponible au-delà de l’âge de 18 ans, sauf si Nicole est porteuse de handicap.
Lorsqu’on réfléchit à ces règles, il est important de garder à l’esprit les points suivants:
- À quelques exceptions près (p. ex., les transferts du vivant), les époux divorcés ne sont généralement pas traités de la même manière que les époux séparés aux fins de l’impôt. Les roulements après le décès en faveur des époux divorcés ne sont généralement pas autorisés;
- Les transferts à imposition différée ne sont pas toujours la meilleure solution, en particulier lorsque le défunt peut utiliser des pertes en capital inutilisées ou des tranches d’imposition plus basses pour l’année du décès. Voir la discussion à ce sujet ici. Les contribuables peuvent normalement déclencher l’impôt pour l’année du décès lorsqu’il est judicieux de le faire.
Les règles fiscales canadiennes offrent une certaine flexibilité en matière de gestion des actifs et de relations conjugales. Bien que le concept des « deux conjoints » puisse susciter des débats dans les cercles sociaux, il s’agit d’une possibilité confirmée du point de vue de la fiscalité canadienne.
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1Propriété canadienne
2Ne s’applique pas à cette discussion
3Pour réaliser le roulement, les biens doivent être dévolus à l’époux, au conjoint de fait ou à la fiducie dans les 36 mois suivant le décès du cédant (ou dans un délai plus long, sous réserve d’une demande écrite aux autorités fiscales).
À propos de l’auteur
Au fil de sa carrière, il a gravi les échelons dans les domaines de la planification fiscale, successorale et financière, et aussi dans le domaine bancaire et de l’analyse des titres. Il a réussi plusieurs cours axés sur la fiscalité, les titres, l’investissement dans les fonds communs de placement, l’assurance et la planification successorale. Wilmot détient un baccalauréat spécialisé ès arts en mathématiques pour les affaires de l’Université York. Il est aussi planificateur financier agréé (CFP), spécialiste en fiducie et en succession (TEP), assureur-vie agréé (CLU) et spécialiste en assurance maladie agréé (CHS). Depuis 2001, Wilmot a consacré son temps à guider les conseillers financiers sur les questions de planification fiscale et successorale par le biais de présentations, de conseils personnalisés et de communications marketing. Il a figuré dans plusieurs publications financières, notamment le Globe and Mail, le National Post, Advisor.ca et Investment Executive. En outre, Wilmot a fait des présentations pour The Financial Advisors Association of Canada (Advocis), la Society of Trust and Estate Practitioners (STEP) et l’Institute of Advanced Financial Planners (IAFP). Dans ses temps libres, Wilmot aime faire du sport, voyager et passer du temps avec sa famille et ses amis..
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